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Loi AGEC : la chasse au plastique à usage unique et son application en entreprise – 5 questions à Laurène TALLON, Responsable Affaires publiques chez Gobi

Rédigé par La rédaction du C3D, le 3 février 2022

Adoptée en février 2020, la loi AGEC “anti-gaspillage pour une économie circulaire” vise à mettre fin au plastique à usage unique. Depuis janvier 2022, elle oblige également les entreprises à recycler ou à réutiliser leurs invendus non-alimentaires. En lien avec la Responsabilité Élargie du Producteur, cette loi renforce la notion de circularité et de gestion de la fin de vie des déchets. 

Nous nous entretenons ce mois-ci avec Laurène Tallon, Responsable des Affaires publiques chez Gobi, pour nous éclairer sur les implications de la circularité en entreprise et les adaptations possibles pour réduire le plastique jetable. 

 

Gobi accompagne les entreprises sur les sujets de circularité. Qu’observez-vous chez vos clients face à la loi AGEC ?

Nous accompagnons les organisations dans la mise en œuvre de la loi AGEC à travers l’adoption de nos produits réutilisables (gourdes et couverts éco-conçus et fabriqués en France). Nous avons accompagné plus de 10 000 organisations de toutes tailles et de tous secteurs dans leur sortie du plastique à usage unique qui est un des piliers de cette loi. 

Nous observons une vraie prise de conscience des organisations. Auparavant, nous étions le plus souvent en direct avec les directions marketing et communication, aujourd’hui nous traitons avec les directions achats, la RSE voire la Direction Générale. Cela montre que l’on relie le sujet directement à la stratégie entreprise désormais. La loi AGEC concerne tout le monde ! C’est repenser sa responsabilité de producteur, d’acheteur. 

En termes de secteur, les entreprises ont bougé avant les organisations publiques, même si on constate aujourd’hui un rattrapage. La loi Climat et Résilience devrait renforcer l’exemplarité de la commande publique grâce notamment aux Schémas de Promotion des Achats Publics Socialement et Écologiquement Responsables (SPASER).

En termes de produits, les bouteilles et gobelets en plastique jetable sont devenus l’illustration de notre société de consommation et des déchets. Toutes les organisations souhaitent maintenant s’équiper de gourdes, c’est devenu un marqueur de leurs engagements RSE ! 

Le changement par l’objet est un vrai levier. C’est l’occasion de sensibiliser des personnes plus éloignées des préoccupations environnementales. Même des personnes peu convaincues écologiquement peuvent adopter une gourde ou une lunchbox ! Et, grâce aux efforts d’acculturations menés depuis 10 ans avec les associations environnementales, le sujet du plastique à usage unique fait désormais consensus. 

De plus, passer au réutilisable permet une baisse des charges sur le long terme pour les organisations !

 

Vous observez des changements dans les demandes ou accompagnements de vos clients ?

Nous voyons la loi AGEC comme une opportunité pour les organisations. Cela les oblige à répondre aux attentes de leurs collaborateurs en matière de développement durable et à innover. 

Aujourd’hui, nos clients sont de plus en plus exigeants sur la qualité du produit et l’engagement de son fabricant. L’écologie ne peut pas se passer d’éthique. On ne peut pas remplacer du jetable par un produit qui ne serait pas vertueux écologiquement et socialement parlant. C’est pourquoi, nos produits sont non seulement réutilisables, mais ils sont aussi éco-conçus, 100% fabriqués en France et créent de l’emploi local et inclusif. Ils sont aussi personnalisables pour favoriser leur adoption. Ils permettent à la fois de renforcer l’image de marque, tout en opérant une prise de conscience écologique en interne. Une gourde aux couleurs de son entreprise permet aussi de renforcer le lien entre entreprise et salarié, même en télétravail ! 

Nous accompagnons cette conduite du changement en interne pour sortir d’une habitude basée sur le tout jetable : affiches, synthèse d’éco-conception, événementialisation de la distribution des gourdes, quiz, tutos, etc.  

Plutôt que d’insister sur le caractère obligatoire de la législation, nous préférons chez Gobi rendre nos clients fiers de leur impact écologique et social grâce à nos produits. Nous observons que la fierté est le meilleur vecteur de changement. 

En co-construction avec nos clients, nous adaptons notre catalogue de produits pour être au plus proche de leur besoin. C’est ainsi que nous avons développé nos couverts en inox et nous réfléchissons désormais avec notre communauté à une lunchbox. 

Je vois par ailleurs d’autres secteurs comme le sport ou la culture qui commencent à prendre à cœur le sujet du non-jetable, et qui bougent. C’est passionnant de voir le changement s’opérer : à nous de repenser les usages, mieux produire, mieux acheter, mieux utiliser, réparer, prêter, recycler… !

 

Gobi est une entreprise engagée dans la circularité depuis plusieurs années. Comment cela se traduit-il concrètement en interne ?

Cela se traduit tout d’abord dans nos produits. 80% de l’impact d’un produit est déterminé au moment de sa conception. C’est pourquoi nous travaillons en éco-conception avec la coopérative Mu.

L’éco-conception est une méthode exigeante de l’économie circulaire. Nous avons été accompagnés par l’ADEME dès 2010. En 1 an d’utilisation, un Gobi permet d’éviter au bureau jusqu’à 3 kg de déchets et 7,7 kg de CO² par rapport à la référence (= ce que consomme les Français en moyenne). 

Et comme nous connaissons tous les impacts de fabrication, nous pouvons vous dire à partir de combien de temps les pollutions que vous avez évité deviennent plus importantes que les pollutions provoquées par la fabrication de votre Gobi. Ce délai varie entre 2 et 5 mois selon nos modèles.

En terme d’engagement d’entreprise, nous faisons partie du collectif “1% for the planet” (nous reversons 1% de notre chiffre d’affaires à des associations environnementales), et nous œuvrons avec les associations à la prise de conscience sociétale et politique sur le jetable.

 

Comment gérez-vous vos déchets, invendus, etc ?

Bien sûr la gestion de la fin de vie de nos produits est centrale : comment les recycler, les réutiliser. Sur notre gourde en copolyester, elle est recyclable mais ironiquement n’a pas encore de filière de recyclage dédiée… Nous travaillons actuellement avec l’ADEME pour valoriser le petit gisement que nous avons collectés depuis 10 ans et leur proposer une seconde vie. A côté de cela, nous utilisons déjà nos chutes de production pour fabriquer l’étui de nos couverts ; et notre gourde en verre se recycle en filière de recyclage classique.

En faisant le choix de tout fabriquer en France, nous ne proposons pas de gourdes isothermes en inox dont la production est chinoise et coûteuse environnementalement (c’est une industrie très polluante car nous sommes sur de l’extrait de minéraux).

Nous ne le répéterons jamais assez, mais au-delà de sa conception, la seule gourde pleinement vertueuse est celle qui est utilisée ! Pensez à la laver et à en prendre soin. Nous devons tous être vigilants à ce que les gourdes ne deviennent pas les nouveaux tote bag. Attention à la “fast fashion” de la gourde !

 

Est-ce que, selon vous, la loi AGEC suffit ?

La loi AGEC est un premier levier de réflexion, pour engager les salariés, challenger son business model et innover afin de réintégrer la circularité dans notre manière de produire !

Elle provoque aussi des changements d’usage en dehors des organisations. L’accès à l’eau dans les établissements recevant du public (imposé par la loi AGEC) va entraîner un meilleur maillage territorial des fontaines pour s’hydrater sans déchet. C’est ensuite à nous collectivement (entreprise, pouvoirs publics, associations, citoyen) de se saisir de ces sujets. 

Sur le jetable, les initiatives territoriales se multiplient pour sortir du jetable et inventer de nouveaux modèles. Nous sommes très engagés à Paris par exemple qui s’est fixé l’objectif de sortir du plastique à usage unique d’ici 2024.

Sur l’eau, nous avons développé il y a 10 ans l’application Free Taps pour référencer en open-source les points d’eau potables en France et en Europe. Plus globalement, il y a un imaginaire à transformer autour de l’eau du robinet ! 

Enfin, sur l’économie circulaire, il serait intéressant que les candidats à la présidentielle s’en emparent, car elle répond aux enjeux clés de ce scrutin : souveraineté, pouvoir d’achat, écologie, croissance, création d’emplois…. Nous avons réussi ensemble à rendre les gourdes et la réduction des déchets désirables, ne nous arrêtons pas en si bon chemin !