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Entreprises, citoyens et gouvernement : quelles perceptions de la lutte contre le réchauffement climatique dans le contexte de crise sanitaire et économique ?

Rédigé par La rédaction du C3D, le 11 décembre 2020

Il y a pratiquement 5 ans jour pour jour, l’Accord de Paris était adopté lors de la Cop21. Cet accord historique s’appuyait notamment sur un objectif clé : limiter l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2° grâce à l’implication collective de l’ensemble des nations. Malheureusement, le contexte sanitaire et économique ne joue pas en faveur de cet objectif.

Si la lutte contre le changement climatique pourrait avoir été reléguée au second plan, en témoignent les nombreuses annulations des grands évènements climat et biodiversité en 2020, les efforts s’avèrent malgré tout maintenus par de nombreux acteurs de la société. Les entreprises et citoyens semblent en effet garder en tête l’urgence de changer le modèle de production et de consommation. Le constat reste plus mitigé du côté du gouvernement. Zoom sur les actions, perceptions et engagements sur la lutte contre le réchauffement climatique malgré la crise de la Covid-19. 

Les entreprises maintiennent-elles leurs engagements en faveur du climat malgré la crise ? 

Nous l’avons remarqué à de multiples reprises depuis le début de la crise sanitaire, les entreprises, pour la plupart, ont maintenu voire amplifié leurs engagements vis-à-vis du climat. Malgré des conséquences économiques importantes, elles ont choisi de saisir cette crise comme une opportunité et non comme une contrainte. Selon la plateforme CDP qui publie chaque année la Climate Change A list, le nombre d’entreprises ayant révélé des politiques fortes et mis en place des actions de lutte contre le réchauffement climatique a augmenté de 46 % entre 2019 et 2020. 

Chez les membres du C3D par exemple, nous comptons de nombreuses entreprises qui se sont engagées durant cette année en dépit des conditions. Le groupe Nexans vient à ce titre de rejoindre la fameuse liste de la plateforme CDP, aux côtés d’EDF, Gecina ou encore Schneider Electric. Le Groupe EDF a d’ailleurs récemment pris de nouveaux engagements climatiques visant à réduire de 50 % ses émissions de CO2 directes et indirectes (base 2017) et de 28 % les émissions de CO2 liées à la combustion du gaz vendu (base 2019). Le Groupe Carrefour a quant à lui intégré le classement Dow Jones Sustainability Index (DJSI) en tant que premier distributeur français pour ses engagements RSE. Il rejoint de nombreux membres déjà présents sur ce prestigieux classement.

Le maintien, voire le renforcement, de l’engagement des entreprises malgré le contexte actuel peut s’expliquer par la prise de conscience du lien entre écologie et pandémie. De plus en plus, les grands acteurs de l’économie réalisent l’importance de la considération des enjeux climatiques et environnementaux dans l’ensemble de leurs décisions. Les atouts offerts par une meilleure prise en compte des externalités de l’activité d’une entreprise ne sont plus à démontrer. La résilience, par exemple, a permis à une multitude d’entreprises, déjà engagées, de s’adapter rapidement aux nouvelles conditions de fonctionnement et de production imposées par la crise. 

Les Français sont-ils toujours préoccupés par l’environnement ?

Les convictions des citoyens vis-à-vis de la lutte contre le réchauffement climatique ne semblent pas faiblir non plus. Selon le baromètre sur les grands enjeux de société de l’Institut du Capitalisme Responsable, 24 % des Français interrogés plaçaient la lutte contre le changement climatique comme première priorité sur les dix prochaines années en janvier 2020. Neuf mois plus tard, en pleine crise de la Covid-19, une enquête complémentaire révèle un pourcentage similaire de Français plaçant le climat dans les priorités. Ces derniers semblent d’ailleurs estimer que les médias devraient plus aborder le sujet selon ce même baromètre. 

Si l’on observe le récent sondage Ofxam France et Kantar sur “Les Français face aux changements climatiques”, il semble que les citoyens sont encore plus préoccupés par la lutte contre le réchauffement climatique ces derniers mois puisqu’ils sont ainsi 61 % à estimer qu’il est urgent d’agir. En cause principalement : la crainte de l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes, tempêtes, canicules, inondations, etc. La France est d’ailleurs directement concernée par ces catastrophes naturelles car elle se classe au 15e rang sur la liste des pays les plus touchés par ces phénomènes sur les 20 dernières années. 

De façon générale, la préoccupation environnementale se maintient et les Français ont conscience qu’il faudra des mesures fortes pour faire face au changement climatique. Ils attendent d’ailleurs du gouvernement une plus forte implication dans cette lutte puisqu’un citoyen sur deux estime qu’il faut réorienter en profondeur notre économie en soutenant principalement les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale. Pour 62 % d’entre eux, la France n’en fait pas suffisamment (Oxfam, Kantar). 

Lutte contre le réchauffement climatique : qu’en est-il du gouvernement ? 

Un français sur deux estime que c’est au gouvernement d’accentuer ses efforts dans la lutte contre le réchauffement climatique selon l’enquête d’Oxfam France et Kantar. Ils sont autant à attendre d’un plan de relance qu’il impose une réduction de l’empreinte carbone aux entreprises. Si cette requête n’a pas été reprise par le ministre de l’Économie lors de l’annonce du plan de relance économique français, le gouvernement a choisi d’accorder 30 milliards d’euros à la transition écologique et à la décarbonation de l’économie. Jugé insuffisant par de nombreux acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique, ce plan démontre tout de même une meilleure prise en compte des préoccupations des citoyens. 

Ce léger changement d’orientation peut s’expliquer par la prise de conscience de membres du gouvernement. Si l’on regarde du côté des parlementaires, on remarque en effet que les convictions quant à la réalité du changement climatique et à ses causes ont considérablement évolué dans le temps. Alors que les parlementaires n’étaient qu’une minorité à estimer que “les désordres du climat sont causés par l’effet de serre” en 2003 dans le baromètre du capitalisme responsable, ils sont désormais 77 %, selon le baromètre des représentations sociales du changement climatique de l’ADEME. De façon générale, on remarque même de ces derniers un meilleur optimisme que de la part des citoyens. Cependant, il est important de noter que les parlementaires semblent avoir tendance à percevoir les transformations nécessitées par le changement climatique comme une contrainte plus que comme une opportunité, selon baromètre des représentations sociales du changement climatique de l’ADEME.

Les préoccupations des Français et des entreprises vis-à-vis de la lutte contre le réchauffement climatique semblent se maintenir, les perceptions des parlementaires évoluent. Barbara Pompili, dévoilait d’ailleurs cette semaine les premiers arbitrages du projet de loi issu de la convention citoyenne pour le climat. De nombreuses voix s’élèvent déjà, reprochant à l’État de ne pas aller suffisamment loin dans l’application des propositions.