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Construire durable avec des matériaux à moindre impact et innovants : 5 questions à Olivier Legras, Directeur Développement durable du Groupe ALSEI

Rédigé par La rédaction du C3D, le 10 mai 2022

Les enjeux de construction durable concernent tous les acteurs du bâtiment, et impliquent une réflexion sur les matériaux et l’innovation nécessaire pour limiter leur impact. Quelles sont les perspectives dans ce domaine ? Quelle méthodologie pour limiter son impact ?  Retour d’expérience avec Olivier Legras, membre du C3D et Directeur Développement Durable du Groupe ALSEI.

Qu’entend-on par matériaux durables ou biosourcés ? 

Dans notre métier de promoteur immobilier, la question des matériaux durables est englobée dans la réflexion sur la réduction de l’impact carbone de nos constructions, en immobilier résidentiel comme en immobilier d’entreprise.

Cela se traduit d’abord par concevoir avec le moins de matière possible, consommer le moins de matériaux possible. Tout cela est centré sur la notion de mieux construire, en limitant le besoin d’origine : nous changeons de modes constructifs. Nous reprenons un principe bien connu : le matériau le plus vertueux est celui qu’on n’utilise pas…

Pour les matériaux que nous devons de toute façon utiliser, la question se traduit par une consommation la plus durable possible, avec le plus faible impact sur l’environnement. Il existe plusieurs pistes, dont celle des nouveaux matériaux. Par exemple ce qu’on appelle les matières biosourcées, qui sont de plus en plus une alternative au tout béton, avec lesquels nous retrouvons les mêmes caractéristiques techniques, acoustiques ou thermiques. On va notamment de plus en plus vers une utilisation de matières végétales. C’est le cas du bois par exemple, utilisable en extérieur comme en structure des bâtiments : des charpentes en bois dans des grands bâtiments d’activité tertiaire, cela se fait très bien. Ou le chanvre, en isolation de façade par exemple.

Sont aussi à notre disposition des matériaux de réemploi ou de recyclage. Leur impact sur l’environnement est plus faible car ils évitent de nouvelles consommations de matière : nous leur donnons une seconde vie en quelque sorte. Et nous sommes directement concernés en tant que promoteur immobilier car des matériaux de déconstruction, des déchets de chantier ou même des chutes de chantier peuvent être directement réintroduits dans les filières de réemploi ou de recyclage.

Il faut quand même noter que travailler avec du recyclé ou du réemployé n’est pas toujours évident en effet nous sommes encore assez limités en termes de disponibilité. Il y a également un travail à faire sur l’acceptabilité de ces nouveaux matériaux par les clients, et encore des idées reçues à casser… 

Enfin, la provenance des matériaux est aussi centrale : c’est l’impact carbone indirect. Moins un produit se déplace entre son lieu de fabrication et son lieu de consommation, entre son usine de fabrication et notre chantier, moins son transport est impactant. Il faut donc penser un sourcing plus local, a minima européen. Et toute la filière industrielle qui va avec…

Comment mesurer l’impact d’un matériau ?

L’idée est d’identifier puis de réduire (ou améliorer) les impacts. On va désormais au-delà du bilan carbone d’un produit, pour s’intéresser à l’Analyse de Cycle de Vie : c’est une vision plus macro. Penser le cycle complet de la vie du matériau. On estime les impacts environnementaux avec l’indicateur Carbone lors de la production, du transport, de la vie sur le site, puis du réemploi ou de la fin de vie. 

La règlementation, la fameuse RE2020, l’impose déjà pour les constructions neuves en résidentiel.

Il y a des outils et des règles de calcul nationaux qui permettent d’estimer l’impact de l’utilisation de telle matière sur une construction, pour réaliser des ACV « règlementaires ». Sur un matériau biosourcé par exemple, l’impact carbone est plus faible qu’un matériau classique. Idem pour un produit recyclé : si on offre une seconde vie à une matière ou un matériau, le poids carbone lié à l’utilisation de matières est plus faible. 

Existent-ils des labels, des certifications, sur ce sujet ?

La couche réglementaire s’applique d’abord sur le résidentiel, et des textes sont en train d’être rédigés ou relus pour l’immobilier tertiaire. Des objectifs, des seuils de performance environnementale existent donc, avec des règles de calculs détaillées.

Des logiciels ont été créés pour réaliser ces calculs règlementaires, et des cabinets ou bureaux d’études sont formés pour accompagner les différents acteurs du secteur. 

D’autres démarches existent pour matérialiser une démarche environnementale, voire anticiper les changements règlementaires à venir : des labels environnementaux comme HQE, BREEAM, LEED, NF Habitat… qui structurent la conception et la réalisation d’un point de vue Développement Durable. Il y a aussi des labels ciblant la qualité de l’exploitation d’un ouvrage : “Well” pour le confort, “Ready to service” pour la domotique, ou encore “Biodivercity” pour la place du végétal. A chacun des acteurs de faire son choix par rapport à sa stratégie sur le sujet.

On a ensuite un troisième niveau : la réflexion et la démarche interne, en dehors des labels. Chez Groupe ALSEI, en plus d’être certifié ISO 14001, nous avons plusieurs démarches : nous sommes, par exemple, en tant que membre de l’association AFILOG qui regroupe les professionnels de l’Immobilier Logistique en France,  signataire de la Charte d’engagements réciproques entre l’Etat et les membres de l’association pour la performance environnementale et économique de ‘l’immobilier logistique français. C’est une démarche volontaire, en dehors de toute règlementation, qui nous permet de définir et d’appliquer des méthodes de conception et d’exploitation pour limiter l’impact environnemental de nos constructions. Nous travaillons d’ailleurs les aspects techniques avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB).  

Nous avons aussi une filiale, Groupe Opale Alsei, à la Réunion, où la réglementation est un peu différente. Donc nous reprenons les enjeux locaux avec les parties prenantes en construisant un éco-quartier avec un référentiel propre, en s’adaptant au contexte environnemental et climatique local. 

Quelles innovations sont à venir dans le secteur ?

Concrètement, nous avons beaucoup de défis à relever. Et particulièrement dans le secteur de l’immobilier qui génère à la fois beaucoup de gaz à effet de serre, consomme beaucoup de matière première et produit beaucoup de déchets ! Ce qui fait de mon métier de Directeur Développement Durable un métier passionnant !

Le poids carbone des constructions reste un défi très important. Nous l’avons vu : construire autrement, utiliser d’autres matériaux…. 

Un enjeu majeur est la disponibilité de matériaux moins carbonés. On doit pouvoir répondre à la demande et au besoin de matières moins impactantes sur l’environnement. Cela implique de travailler sur les déchets, le réemploi, l’économie circulaire, des matériaux plus nobles….

L’exploitation des bâtiments ne doit pas être oubliée. Grosso modo, la moitié des gaz à effet de serre généré par un bâtiment est due à son usage, une fois construit. 

Il faut aussi améliorer la manière d’utiliser les bâtiments, résidentiels comme tertiaires : comment mieux chauffer, refroidir, consommer de l’énergie…La conception va tendre vers des bâtiments dit « passifs » : des innovations d’usage sont attendues en complément.

Mais la question du sol va sans aucun doute s’accroître : comment décider collectivement de l’utilisation, de la rationalisation des sols ? Le principe du « Zéro Artificialisation Nette » va changer la donne : comment utiliser le moins possible les espaces au sol pour les besoins et développements immobiliers futurs ? Il nous faut innover sur une utilisation différente des sols. Nous pouvons évidemment construire plus en hauteur par exemple. Mais cela va au-delà : il s’agira de repenser l’aménagement des territoires et les villes de demain… Conserver les espaces naturels existants, gérer le développement humain, développer la production agricole : il y a des innovations à venir pour réussir tous ces défis sur un même territoire !

Comment accompagnez-vous vos clients dans ces thématiques ?

Le promoteur immobilier a deux manières de construire. 

Soit il répond à une commande venant par exemple d’un industriel qui veut un nouvel outil de travail ou d’un bailleur social qui souhaite une nouvelle résidence à un endroit donné, soit il construit sur un terrain un bâtiment qui lui semble adapté à un besoin à cet emplacement et il met en vente le projet en développement ou déjà réalisé.

Dans le premier cas, le promoteur travaille sur la base d’un cahier des charges précis donné par un client. Chez Groupe ALSEI, nous essayons de comprendre les enjeux environnementaux du projet, en construction ou exploitation, et nous proposons les solutions les moins impactantes sur l’environnement à nos clients. Si le cahier des charges n’intègre pas déjà un volet Développement Durable fort, à nous de proposer, d’inciter voire de défendre de nouvelles ambitions environnementales : c’est un des engagements de notre certification ISO 14001.

Dans le cas de projets que nous développons nous-même pour des mises en vente une fois engagés, il est plus facile d’imposer un produit à faible impact environnemental car nous restons maître de la conception. La démarche environnementale est partie intégrante du projet, l’éco-conception est la base : « proposer à nos clients des produits construits et des services innovants et durables pour améliorer la qualité environnementale de nos offres » et « Maitriser et améliorer l’impact de nos chantiers sur la Biodiversité » sont deux des quatre piliers de notre Stratégie Bas Carbone 2021-2024.