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Construction durable et innovation : quels défis ? 5 questions à Anne-Béatrice Rodrigues, Directrice adjointe RSE chez Bouygues Bâtiment France Europe

Rédigé par La rédaction du C3D, le 11 avril 2022

Le bâtiment, central dans nos vies personnelles comme professionnelles, est un secteur qui entre dans la voie de la décarbonation. La construction durable est devenue un sujet majeur de l’industrie, mais que cela implique-t-il ? Quels sont les enjeux du secteur, et quelle est la place de la rénovation ? 

Retour d’expérience avec Anne-Béatrice Rodrigues, membre du C3D et Directrice adjointe RSE chez Bouygues Bâtiment France Europe.

Qu’implique la construction durable pour un industriel ?

C’est un impératif aujourd’hui !  Nous avons un plan climat, avec l’objectif de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre générées par nos activités à l’horizon 2030.

Construire durablement, cela signifie construire autrement : limiter les impacts carbone que ce soit en phase construction ou pendant l’exploitation du bâtiment. Nous devons explorer de nouvelles pistes pour changer les choses durablement.

Cela passe par une conception plus frugale des projets, un travail sur les usages (réutilisation et modularité des espaces), une optimisation des surfaces, une amélioration des performances énergétiques, une réflexion sur l’implantation du bâtiment (ensoleillement, proximité des transports en commun, respect de la biodiversité…). Nous devons également poursuivre le développement de nouveaux modes constructifs comme la construction bois.

En phase réalisation, cela implique de booster la mise en oeuvre de matériaux à faible impact comme les matériaux biosourcés ou géo-sourcés, les matériaux de réemploi issus de l’économie circulaire ou de travailler à réduire l’impact des matériaux traditionnels comme le béton en développant des bétons à plus faible impact carbone.

Notre périmètre (ou scope) doit prendre en compte le “avant pendant et après”, afin de connaître tous les impacts du cycle de vie d’un bâtiment. 

Quelles réglementations encadrent le sujet ?

Bien sûr, il y a une réglementation qui évolue régulièrement.

Depuis janvier 2022, nous passons d’une réglementation thermique (RT 2012) à une réglementation environnementale (RE 2020), plus ambitieuse et exigeante pour la filière construction. L’objectif de cette réglementation est de poursuivre l’amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact Carbone. Elle insiste sur la performance de l’isolation, sur la diminution de l’impact des bâtiments neufs sur le climat via une analyse en cycle de vie et sur l’amélioration du confort d’été pour permettre aux occupants de mieux vivre de futures épisodes de canicule.

La récente loi Climat et Résilience renforce la lutte contre les passoires énergétiques et  contre l’artificialisation des sols. Par exemple, à partir de 2025, le niveau de performance énergétique deviendra un critère de décence pour un logement en location.

A quels défis ou enjeux êtes-vous confrontés ?

Nous sommes confrontés aux aspects économiques mais aussi à la sensibilisation de nos partenaires aux enjeux du développement durable.

A minima, nous devons respecter la loi et les réglementations. Ensuite, les questions suivantes se posent pour aller au-delà : sommes-nous prêts à payer plus cher aujourd’hui pour un bâtiment durable et acquérir un logement qui va utiliser des technologies moins connues, moins habituelles ?

Nous devons aussi mettre l’utilisateur final au cœur de l’acte de construire. Il s’agit bien sûr d’adapter les constructions aux futurs usages des utilisateurs mais aussi de les former à l’entretien de leur logement, de les sensibiliser aux bons réflexes pour limiter les habitudes énergivores. La limite principale à l’efficacité énergétique des bâtiments reste le comportement des usagers. La participation active au projet de construction ou de rénovation durable, la diffusion d’un guide d’entretien et d’utilisation sont de bons vecteurs d’appropriation du bâtiment et permettent de capitaliser pour assurer des performances énergétiques et une durabilité maximale du logement. 

Cette formation est primordiale dans le cas d’écoquartiers ou de bâtiments BEPOS dans lesquels il faut assurer une gestion intelligente entre consommation, production et stockage d’énergie pour assurer le confort de tous.

L’enjeux est aussi de créer du lien entre les constructeurs et les locataires / propriétaires afin qu’ils comprennent mieux comment fonctionne leur bâtiment, c’est de la pédagogie. Il faut faire en sorte que l’usager prenne en main son lieu de vie !

La rénovation est aussi un sujet de plus en plus évoqué : comment prioriser entre rénovation et construction ?

Entre la loi Climat et Résilience, les 6,7 milliards d’euros du plan France Relance alloués à la rénovation des bâtiments publics et privés, le dispositif FranceRénov’, la réhabilitation bénéficie d’un alignement des planètes….

La part de bâtiments neufs diminue au profit de la rénovation (environ 40%), et la construction de bâtiments neufs devient de plus en plus complexe avec les réglementations environnementales.

Si nous observons les scénarios de l’ADEME pour adapter la filière bâtiment aux impératifs de neutralité carbone, ils impliquent une baisse des volumes de la construction neuve.

Pour répondre aux besoins, il s’agira de privilégier une occupation optimisée du parc existant, la transformation de bureaux en logements, l’occupation de logements vacants et la réhabilitation du parc existant.

Cette évolution entraînera une bascule de plus en plus prononcée vers le marché de la rénovation. Ces marchés de travaux de réhabilitation se font très souvent en site occupé, ce qui nécessite des compétences et une organisation spécifiques. Pour garantir l’acceptation de ces projets de rénovation, les résidents doivent être placés au cœur des démarches, avec des échanges permanents avant, pendant et après les travaux.

Quel avenir pour la construction durable ? 

L’objectif de la construction durable est de préserver l’environnement et ses ressources naturelles, de limiter les déchets, de réduire les émissions carbone et de réaliser des économies d’énergie grâce à une meilleure isolation, un système de production d’énergie propre et des équipements performants.

Bien que de nombreux secteurs d’activité différents fassent ce qu’ils peuvent pour être plus durable, le secteur de la construction est unique car il a la possibilité d’influer considérablement sur la manière dont ces pratiques sont appliquées. Cela est dû aux grandes quantités de matériaux et d’énergie que l’industrie utilise.

Les techniques de construction, les ressources et les pratiques de construction ont évolué au fil des ans, et avec l’intérêt croissant pour la durabilité et la conservation de l’énergie, de nouvelles méthodes de construction axées sur la durabilité ont été et continuent à être développées.