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Retour sur la rencontre C3D-OREE : « Nouveaux modèles économiques – Après la COP22 : la feuille de route des entreprises »

Rédigé par La rédaction du C3D, le 7 décembre 2016

Lundi 5 décembre dernier avait lieu la rencontre C3D & ORÉE « Nouveaux modèles économiques – Après la COP22 : la feuille de route des entreprises » au Palais Bourbon à Paris. Dans la continuité de la 1ère rencontre C3D & ORÉE organisée en mars 2015, cette conférence avait pour objectif de présenter les enseignements de la COP22 à Marrakech et ses suites, et les engagements concrets des entreprises dans le cadre de la feuille de route trajectoires 2°. Retour sur le programme, les intervenants et les conclusions de cette demi-journée d’échanges.

Les débats ont été animés par Christine OBERDORFF, rédactrice en chef d’Ushuaïa TV et présentatrice de l’émission #COPCONNECTION. Des extraits de l’émission ont d’ailleurs été présentés lors de la rencontre du 5 décembre.

Serge BARDY, en tant que Député de Maine-et-Loire investi sur les questions de climat et Patricia SAVIN, Présidente d’ORÉE, ont introduit les échanges. A cette occasion, Patricia SAVIN a présenté la note de contribution à la COP22 « Les enjeux climatiques du bâtiment. Économie circulaire, Biodiversité : Comment développer des solutions transversales ? ».

La 1ère séquence de la rencontre a permis de faire un bilan des enseignements de la COP22 pour les entreprises. Pour cela, trois intervenants ont pris la parole :

  • Brice LALONDE, ancien Ministre, Président du Business & Climate Summit et président de la coordination « Entreprises COP22 ».
  • Sylvie LEMMET, Directrice des affaires européennes et internationales au Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer.
  • Jean-Baptiste PONCELET, Coordinateur des projets, France Nature Environnement.

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La 2ème séquence était consacrée à la présentation d’engagements concrets de la part d’acteurs économiques :

  • Aurélie REBAUDO-ZULBERTY, Directrice RSE de Gecina, a présenté la feuille de route climat de Gecina.
  • Franck SPRECHER, Délégué national modèles économiques, a évoqué les travaux de la commission du CJD sur les nouveaux modèles économiques.
  • Marie GARNIER, Directeur Qualité́ et Développement Durable de Metro Cash and Carry, a mis en lumière les idées clés de la stratégie climat de l’entreprise afin d’agir sur les 3 plus gros postes d’émissions de GES (les gaz réfrigérants, le transport, les consommations d’énergie).
  • Benoît VARIN, Vice-Président et Co-fondateur de Recommerce.
  • Jean-François DHINAUX, Directeur Marketing Stratégique de Via ID de Mobivia Groupe, a parlé du projet WayzUp, solution de covoiturage domicile-travail.
  • Jean-Michel YOUINOU, Responsable marché environnement – énergies renouvelables, Crédit Coopératif.

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Dans un 3ème temps, Christian DUBOST, Directeur du Développement Durable de SNCF, et Nathalie BOYER, Déléguée générale d’ORÉE, ont présenté la méthodologie des travaux du groupe de travail « Trajectoire 2° » puis le Référentiel d’évaluation des démarches d’écologie industrielle et territoriale d’ORÉE.

Enfin, Jean-Marie CHEVALIER, économiste membre du Cercle des Economistes, est intervenu en tant que grand témoin. Selon lui, la lutte efficace contre le réchauffement climatique implique une mobilisation de tous les acteurs : citoyens, ONG, entreprises, collectivités locales. La COP22 a montré le chemin en étant la COP de la société civile avec une réelle mobilisation générale, notamment celle des entreprises qui ont compris que le climat était une formidable opportunité.

Pour clôturer cet après-midi d’échanges et de partage, Fabrice BONNIFET, président du C3D et Directeur Développement Durable & QSE du Groupe Bouygues, a prononcé un discours de clôture. Vous le retrouverez ci-dessous :

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« Depuis une dizaine d’années, les entreprises ont appris à compter ou à défaut à évaluer leurs émissions directes et indirectes de CO2. Ce préalable est indispensable à la mise en œuvre des stratégies de réduction, car pour comprendre il faut compter et pour agir il faut comprendre. Mais le plus dur commence, c’est-à-dire comment réduire significativement nos émissions et même devenir neutre en carbone tout en continuant à développer nos entreprises. C’est un défi inédit et considérable pour tous, parce que jusqu’à présent, il a toujours existé une corrélation entre les émissions de CO2 produites et l’augmentation du CA des entreprises ou du PIB des Etats. Cela démontre l’addiction et l’extrême dépendance de notre économie à l’énergie en général.

Nous connaissons l’objectif à atteindre. Le budget carbone de l’humanité est de 1000 GT de CO2 d’ici 2100. Au rythme actuel, nous aurons dépensé notre budget dans 26 ans, alors qu’il reste 83 ans ! L’accord de Paris stipule que pour rester sous les 2°, l’humanité va devoir diviser par 3 ses émissions d’ici 2050 et l’économie mondiale devra être neutre en carbone en 2080.

A partir de là, il faut avoir bien conscience que l’effort à produire doit aller bien au-delà des mesures traditionnelles d’économie d’énergie pour l’ensemble des acteurs concernés, c’est-à-dire tout le monde : les entreprises, les collectivités et les particuliers.

Compte tenu du but à atteindre et du temps dont nous disposons, nous allons avoir besoin d’innovation de rupture dans tous les domaines. L’économiste Gus Speth a dit que lorsqu’il était jeune, il croyait que les plus grands défis environnementaux étaient la perte de la biodiversité, l’effondrement des écosystèmes et le changement climatique. Il croyait qu’on pouvait résoudre ces problèmes avec 30 ans de progrès scientifique. Mais, il a fini par avouer qu’il avait tort. Les plus grands défis environnementaux sont l’égoïsme, la cupidité et l’apathie… et pour y faire face, il nous faudra une transformation spirituelle et culturelle.

Ne nous faisons pas d’illusion, la technologie ne suffira pas à elle seule à décarboner l’économie mondiale. Les mesures immédiates à prendre concernent 4 domaines prioritaires qui nécessiteront toutes d’importantes modifications de nos comportements :

  • Premièrement, il va falloir faire évoluer les vieux modèles économiques de l’économie linéaire vers ceux plus vertueux de l’économie circulaire. Il n’y a pas de plan B pour les ressources primaires non renouvelables, si nous voulons les sauvegarder, il faut arrêter de les exploiter.
  • Deuxièmement, l’éco-conception, l’abolition de l’obsolescence programmée, la capacité à réparer et à allonger le cycle de vie des produits doivent devenir la règle universelle des industriels. La régulation doit servir à cela.
  • Troisièmement, il convient de ringardiser l’économie de la possession au profit de celle de la fonctionnalité, et inventer le marketing de l’usage ! Rien posséder pour pouvoir être libre de jouir de tout sans impact. L’économie du 21ème siècle sera l’économie des plateformes d’échange et c’est une opportunité formidable.
  • Quatrièmement, nous allons devoir revoir la gouvernance des entreprises et des collectivités. Définitivement, nous savons que c’est au plus près du « terrain » que les décisions doivent se prendre, et que la performance vient de ceux qui font et non de ceux qui théorisent sur ce qu’il faudrait faire ! Pour cela, le management (par la valeur perçue et par la confiance) ne doit plus être une option mais la règle.

Si nous faisons tout cela, l’intensité carbone des entreprises en tonnes de CO2 émis divisées par le CA des entreprises baissera. On pourra alors espérer l’amorce d’un découplage entre le bien être et le confort attendus des citoyens du monde et les émissions de CO2. On pourra espérer une croissance du mieux vivre ensemble et une réduction des inégalités sans avoir à prier pour le retour de la croissance du PIB tel qu’il est calculé aujourd’hui. C’est-à-dire la prise en compte de ce que l’on gagne, sans tenir compte de ce que l’on doit à la nature. En effet, plus personne ne peut contester que les avantages économiques que la progression du PIB actuel procure, sont inversement proportionnels à la capacité dans la durée à atteindre les objectifs du développement durable. »