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La crise de la Covid19 a-t-elle fait évoluer les pratiques d’achats des entreprises françaises ?

Rédigé par La rédaction du C3D, le 9 février 2021

La crise sanitaire liée à la Covid19 a mis en lumière les défaillances des modes de production, de consommation, de logistique. Si cette situation à avant tout permis de démontrer l’adaptabilité des organisations, plus ou moins rapidement, elle a aussi mis en avant les risques des pratiques d’achats. La crise sanitaire a-t-elle fait évoluer les pratiques d’achats des entreprises françaises ?

Avec la crise, de nombreuses entreprises ont été contraintes de revoir leurs méthodes d’achats. Les entreprises qui avaient d’ores-et-déjà mis en place une politique d’achats responsables, environ 60 % des acheteurs, ont d’ailleurs été en mesure de mieux gérer ces difficultés car les relations avec leurs fournisseurs étaient généralement meilleures et permettaient donc de mieux absorber les effets du contexte sanitaire et économique.

Dans les faits, les premières réactions des entreprises durant les confinements en termes de pratiques d’achats ont été d’apporter des réponses adaptées aux fournisseurs. Elles ont par exemple mis en place des facilités de paiement, pour raccourcir les délais, et ont prolongé les contrats. 

Grâce à ces mesures, les directions achats ont pu prouver leur fort potentiel d’adaptabilité et ont su se rendre indispensables face aux situations à risque. 

Un intérêt renforcé pour les achats responsables

Il semblerait que le contexte sanitaire et économique, s’il fragilise beaucoup les entreprises, contribue au développement de meilleures pratiques d’achats dans les directions, tendant vers un engagement de plus en plus profond pour les achats responsables. Le baromètre ObsAR 2021 démontre en effet une plus grande prise en compte des achats responsables au sein des entreprises ces dernières années, en particulier des PME qui sont 57 % d’entre elles à en faire une priorité. 

Pour les plus récentes, cela peut notamment s’expliquer par le fait que 60 % des entreprises interrogées dans le cadre d’une étude par Le Médiateur des entreprises estiment que “la période post-Covid représente une opportunité à saisir pour repenser leur stratégie achats et la rendre plus responsable” (juin 2020). Et pour cause, la crise a permis d’identifier de nouveaux risques liés aux achats, selon l’étude. On remarque d’ailleurs aujourd’hui que les raisons de la mise en place d’une politique d’achats responsables reposent sur la maîtrise des risques et l’amélioration de la relation avec les fournisseurs  puisque ces deux justifications arrivent en tête pour 23 % des répondants.

Autre preuve de l’évolution de la fonction achats pendant la crise, certains ont pu remarquer une grande réorganisation au sein de beaucoup d’entreprises liée aux collaborations renforcées entre les différentes directions, financières, juridiques, RH ou RSE, permettant de mieux anticiper les impacts de la crise à court terme. Ainsi, 65 % des répondants à l’étude par le Médiateur des entreprises “considèrent que cette crise a permis le repositionnement stratégique de la direction achats au sein de leur entreprise”, permettant notamment de lui donner plus de poids. 

Une évolution des achats responsables à nuancer

Même s’il semble évident que de plus en plus d’entreprises entament une démarche vers les achats responsables en partie grâce à la crise, il est important de mettre en lumière les risques provoqués par le contexte sanitaire sur ce même domaine. En effet, les industries touchées plus durement par la crise sanitaire et économique pourraient avoir tendance à laisser passer certaines questions sociales et environnementales pour éviter les frais supplémentaires dans le cadre de leurs activités, mettant ainsi à rude épreuve leur politique d’achats responsables. 

De la même façon, on remarque, à travers le baromètre de l’ObsAR notamment, que certaines entreprises, même si elles paraissent très engagées, semblent finalement rester dans une approche superficielle des achats responsables. Le baromètre précise à ce titre que “seuls 40 % des répondants ont formalisé une cartographie des risques” et parmi ceux-ci, ils sont très peu à avoir pris en compte l’ensemble des dimensions à savoir le secteur d’activité, l’enjeu de RSE, le pays et le fournisseur. 

Quelle perspective pour les achats responsables en 2021 ?

Si la fonction achats a su se montrer relativement agile durant la crise, elle pourrait gagner d’autant plus en résilience et en durabilité avec une digitalisation de la fonction. Alors que le digital fait désormais partie intégrante du fonctionnement de la plupart des entreprises, elles sont plus de la moitié à avoir déclaré, dans l’étude PageGroup / CNA, qu’”aucun projet de digitalisation des achats n’était mis en place au sein de leur structure”. 

Pourtant, l’analyse de données, l’automatisation, la robotisation ou encore l’intelligence artificielle sont autant d’outils permettant de rendre le processus plus efficace et performant, et ainsi d’améliorer ce qui doit l’être dans le cadre d’une politique d’achats responsables voire de renforcer sa résilience. La digitalisation devrait à ce titre constituer l’une des évolutions phares de la fonction achats en 2021. 

Suite à la crise sanitaire et économique, les entreprises ont su s’adapter en partie grâce à l’agilité de leur fonction achats. Pour tirer profit par le biais des achats responsables de cette période sujette aux réorganisations, il serait intéressant de miser sur une digitalisation globale de la fonction et sur la prise en compte des enjeux forts de cette nouvelle année. La fonction peut par exemple se saisir du sujet de la biodiversité afin d’améliorer son impact environnemental. L’Alliance pour la Préservation des Forêts à, dans ce sens, publié un guide pratique permettant aux entreprises de structurer leurs stratégies d’achats de sorte à lutter contre la déforestation et à préserver la biodiversité.